Select An AI Action To Trigger Against This Article
Que se passe-t-il à Royal Canin, 1200 salariés, entreprise emblématique du Gard, restée jusqu’à ces dernières années dans le sillon tracé par son fondateur, l’idée géniale que la santé des chiens et des chats commençait dans leur gamelle ? Dans le quatrième épisode de sa grande enquête, "Midi Libre" revient avec Me Loubna Hassanaly, avocate à Nîmes sur les plaintes en série déposées par des salariés qui ont craqué à l’épreuve du management du groupe.
Me Loubna Hassanaly est avocate à Nîmes. Elle suit, ou a suivi, les dossiers de huit salariés de Royal Canin.
Les Prud’hommes viennent de reconnaître une situation de harcèlement moral pour une ancienne cadre de Royal Canin, votre cliente. Votre réaction ?
On a gagné le premier round, le combat n’est pas terminé.
C’est un cas isolé ?
J’ai beaucoup de dossiers d’anciens salariés de Royal Canin. J’ai défendu jusqu’ici huit salariés, essentiellement de cadres. Je viens de déposer un nouveau dossier aux Prud’hommes de Nîmes, pour une salariée de l’unité Royal Canin de Cambrai. Trois de ces dossiers se sont terminés par des négociations. Aujourd’hui, j’ai le sentiment que Royal Canin essaie de trouver une issue amiable, d’éteindre le feu au vu de la médiatisation des affaires. Certains font l’objet d’appel. Je pense à l’un d’eux en particulier : on a perdu sur le harcèlement, sans aucune motivation, et gagné sur l’absence de causes sérieuses de licenciement. J’ai pourtant le sentiment que ce dossier est "en béton armé", mais il faudra encore attendre, compte tenu des délais de la cour d’appel de Nîmes : il faut deux ans et demi à trois ans de procédure… ce qui nous amène à 2026 ou 2027. Toute l’histoire de Royal Canin avec les cadres, dans la plupart des dossiers que je touche, relève d’un mode de management agressif. Dès que quelqu’un dénonce, se rebelle, on décide de rompre le contrat.
J’imagine que des mesures ont été prises. Mais on est en 2025, et je continue à rentrer des dossiers, l’hémorragie n’est pas terminée.
Il n’y a pas de condamnation pénale…
Le harcèlement moral est réprimé à la fois par le code du travail et le code pénal. Mais les règles diffèrent : un dossier pourra être reconnu aux Prud’hommes mais pas devant le tribunal correctionnel. En droit du travail, le harcèlement peut être qualifié juridiquement même si le salarié n’apporte pas la preuve d’une volonté intentionnelle de harcèlement de la part de l’employeur. Aujourd’hui, on n’a pas de reconnaissance du statut de victime parce qu’on n’a pas de reconnaissance de procédure pénale.
Pourquoi avez-vous autant de dossiers relatifs à cette entreprise ?
Je pense qu’il y en aura d’autres. La médiatisation de ces affaires a permis de lever le silence pour beaucoup de cadres. Dans leurs démarches, mes clients avaient aussi cette volonté de dire "vous n’êtes pas seuls". En conséquence, des salariés osent aujourd’hui attaquer Royal Canin sur des contentieux où il y a suffisamment d’éléments pour dénoncer un climat délétère. Je ne peux pas pour autant dire que ces modes de management agressif concernent l’ensemble de la société Royal Canin, et au vu des contentieux, j’imagine que des mesures ont été prises. Mais on est en 2025, et je continue à rentrer des dossiers, l’hémorragie n’est pas terminée.
C’est une entreprise particulière ?
C’est aussi la solidarité des salariés qui fait que les dossiers se multiplient. Mais depuis le Covid, on a de plus en plus de dossiers de ce type, qui témoignent de la souffrance au travail des salariés, ce qui est aujourd’hui clairement le cas chez Royal Canin.