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AboLundi noir sur les marchés –
La Bourse se plie au nouvel ordre économique des États-UnisLes milieux financiers s’ajustent au démantèlement des règles de la mondialisation. La place suisse plonge de 13% en cinq jours.
- Les marchés mondiaux s’effondrent face aux taxes américaines annoncées le 2 avril. La Bourse suisse dévisse de 13% en cinq jours.
- À Genève, l’OMC prévoit déjà une contraction mondiale des échanges commerciaux de 1% cette année.
- Sur les marchés, le bruit d’une dépréciation massive du dollar, imposée lors d’un accord similaire à celui du Plaza, commence à courir.
Bien sûr, c’est encore l’effet de souffle de la guerre commerciale entérinée par Donald Trump dans la roseraie de la Maison-Blanche, le 2 avril dernier. Et puis, il y a ces estimations auxquelles se livrent économistes, financiers et directions d’entreprise, qui conduisent au réajustement – en temps réel – de la valeur perçue de chaque titre financier, encore et encore.
Exemple, parmi des milliers – Tesla. La dépréciation des actions du constructeur automobile, de près de 13% en cinq jours, est amplifiée par «les avertissements des analystes, selon lesquels ses concurrents chinois sortiraient gagnants d’une escalade prolongée des taxes douanières», prévient le site financier Seeking Alpha.
Des prévisions revues au fil des déclarations de la présidence américaine. Au point de provoquer, ce lundi, un nouvel écroulement des places financières en Asie. Celles du Vieux-Continent ont pris le relais. Cinq jours sont loin de suffire pour se mettre au diapason de la révolution économique imposée par Washington.
«It’s going very well»
Une cinquantaine de dirigeants asiatiques et européens «vont s’asseoir autour de la table – mais il n’y aura pas de discussion, à moins qu’il ne nous paie un gros paquet». Les rodomontades de Donald Trump, lancées ce dimanche soir à bord d’Air Force One, en remontant de sa résidence de Mar-a-Lago vers Washington, ont figé les milieux d’affaires dans tous les pays dont les usines s’emploient à garnir les rayons de Walmart ou Costco.
«It’s going very well», a dit le président. Pas sûr que cela fasse rire à Hong Kong, où la Bourse a accusé sur la seule journée de lundi un choc de -12%, reflet de la chute des grands conglomérats de Chine continentale. Sa pire journée depuis la crise asiatique de 1997. Après que Pékin a, à son tour, annoncé la mise en place de ses propres droits de douane, alimentant la crainte d’une guerre commerciale d’une tout autre ampleur. Exemple avec BYD. Le plus important fabricant mondial de voitures électriques a perdu 22% en cinq jours.
À Genève, l’alerte de l’OMC
Un mouvement qui ne fait que suivre celui initié par la Bourse de New York, dès mercredi dernier, avec un creux jamais vu depuis la paralysie du Covid, en 2020. Wall Street a encore accumulé 10% de baisse sur cinq jours.
La crainte reste que le président Trump et ses successeurs ne procèdent au démantèlement des règles de la mondialisation, que les États-Unis ont appelé de leurs vœux durant des décennies. À Genève la directrice générale de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) – devant laquelle le Canada a de nouveau porté plainte ce lundi – met en garde contre «des conséquences importantes pour la croissance économique mondiale». Dès jeudi, sa directrice générale, Ngozi Okonjo-Iweala redoutait que «ces mesures ne provoquent une contraction de 1% des volumes échangés au niveau mondial cette année». À titre de comparaison, en 2020, la pandémie de Covid avait fait reculer le commerce de 5%.
L’escalade est prête à s’enclencher, avec, en ligne de mire, les services vendus par les multinationales américaines. «Taxer les revenus générés par Google, Visa ou Disney? L’idée fait son chemin à Bruxelles», écrit Michel Saugné, responsable des investissements de la Financière de l’Échiquier. Lundi, les ministres du Commerce de l’Union se sont réunis afin de s’adapter à un «changement de paradigme», a prévenu le commissaire européen Sefcovic. Paris mais aussi Berlin se disent prêts à cibler les géants de l’internet, avec un «instrument anticoercition», une arme de dissuasion commerciale permettant notamment le blocage d’investissements.
Négocier, mais quoi?
Pas besoin d’aller jusqu’en Asie pour assister au recalibrage boursier de pays très exposés aux commandes américaines. En Suisse, le décrochage dépasse les 12% en cinq jours – entraîné ce lundi encore par le conglomérat du luxe Richemont, par Givaudan, mais aussi par Roche ou Novartis, alors que la «pharma» n’est pas (encore) concernée. Depuis plus de deux ans, l’Amérique a remplacé l’Allemagne comme premier partenaire commercial – désormais destination du cinquième des exportations helvétiques. Hier encore, les 20 grands groupes du pays ont descendu un nouveau palier de 6% en Bourse. Au point d’effacer désormais leurs gains de 2024.
La secrétaire d’État à l’Économie, Helene Budliger Artieda, est de nouveau à Washington depuis dimanche soir, afin d’arracher un rabais sur ces 31% de taxes promis au Swiss made. Afin «d’expliquer la situation de la Suisse et de dissiper d’éventuels malentendus», selon les mots du SECO. Mais comment faire, alors que ces droits de douane – listés dans ce tableau coloré, désormais culte – reposent sur un étonnant calcul «qui voit, implicitement, dans tout déficit commercial le symptôme d’une taxation insuffisante», comme le résume Michel Saugné?
D’autant que «ce relèvement brutal des barrières commerciales apparaît comme un acte idéologique – ce qui réduit les chances que ces annonces ne soient que temporaires», ajoute en écho Adrien Pichoud, chef économiste de la banque Syz. En promettant que ces taxes «protégeront, selon ses mots, la souveraineté et renforceront la sécurité économique nationale», Donald Trump en a fait «un programme économique de long terme», prévient-il.
Un accord de Mar-a-Lago?
Dans les milieux financiers, la nervosité est renforcée par une autre petite musique qui monte. Cette guerre commerciale ne servirait que d’entremets à une refonte plus profonde de l’ordre économique. Responsable des investissements chez ODDO BHF (Suisse), Arthur Jurus voit déjà dans les déclarations des responsables de l’administration Trump une «stratégie de réalignement monétaire visant à déprécier le dollar, réduire la dette fédérale américaine et renforcer la compétitivité de son économie».
Comme son confrère de la banque Syz, ce dernier reprend l’idée de ce qui est présenté comme un futur «accord de Mar-a-Lago». Un coup de force qui pourrait s’avérer «aussi important que celui du Plaza, qui, en 1985, poussait à la dépréciation du dollar pour corriger le déficit commercial américain». Un accord qui avait alors fait plonger le Japon dans la crise.
«Stephen Miran, chef économiste de Trump, soutient une restructuration du système commercial mondial. Selon lui, le statut de monnaie de réserve du dollar entraîne sa survalorisation, ce qui pénalise la compétitivité des exportateurs américains», explique le financier genevois. S’il n’est pas encore brandi par Donald Trump, ce «projet Mar-a-Lago est suffisamment latent et établi pour ne pas être ignoré», confirme lui aussi Michaël Nizard, de chez Rothschild AM.
La Suisse bousculée par TrumpNewsletter«Dernières nouvelles»Vous voulez rester au top de l’info? «24 heures» vous propose deux rendez-vous par jour, directement dans votre boîte e-mail. Pour ne rien rater de ce qui se passe dans votre Canton, en Suisse ou dans le monde.Autres newslettersSe connecterVous avez trouvé une erreur?Merci de nous la signaler.
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