La promesse par le président de la République de reconnaître bientôt un État palestinien (ou de « finaliser le mouvement de reconnaissance réciproque par plusieurs ») appelle trois remarques :

1) Quel État ? Dans quelles frontières ? Avec quels dirigeants ? Le président dit exclure le Hamas. Qui reste-t-il ? Le Fatah, suiviste et corrompu jusqu’à l’os ? Ou des ambassadeurs qui, partout dans le monde, ont expliqué, excusé, justifié les crimes du 7 Octobre ? En prenant en otage la cause palestinienne, en mettant les défenseurs de la Palestine en situation de soutenir ses actions sous peine d’être désavoués par la rue, le Hamas a disqualifié l’ensemble des représentants de l’Autorité palestinienne. Un État palestinien avait peut-être une chance d’exister avant le 7 Octobre. Comment imaginer, désormais, après une agression de cette ampleur, qu’Israël consente à sanctifier un tel voisinage dans les frontières intangibles d’un État ? Par la seule faute du Hamas, un État palestinien n’a aucune chance d’advenir avant des siècles. Ce qu’Emmanuel Macron sait parfaitement. Sa déclaration ne l’engage à rien. Son but n’est pas de hâter l’improbable création d’un État palestinien, mais d’intégrer le club hyper-ouvert et pas du tout sélect des 147 pays qui le souhaitent. C’est la diplomatie du bon sentiment.

2) Le paradoxe, c’est que les bons sentiments débouchent, en la circonstance, sur la validation de l’horreur comme moyen légitime de parvenir à ses fins. En appelant à la création d’un État palestinien, fût-ce sans le Hamas, on donne au 7 Octobre la valeur d’un argument recevable, comme si un pogrom était le prolongement de la politique par d’autres moyens, comme si, en égorgeant, en violant, en brûlant vif, en kidnappant et en filmant tout ça, on faisait, in fine, avancer la cause qu’on défend. En parlant d’un État palestinien après le 7 Octobre, on fait du 7 Octobre une péripétie comme une autre, on accrédite le discours selon lequel le 7 Octobre n’est pas un événement isolé, mais la conséquence d’une situation injuste, et selon lequel ses crimes sont d’abord imputables aux victimes elles-mêmes, ces salauds de sionistes. On se donne l’air de défendre le droit international tout en récompensant l’invasion d’un pays et le meurtre de ses civils. Commettez des massacres, présentez-vous comme les victimes de vos victimes, et vous aurez un État. CQFD. Le Hamas lui-même ne s’y est pas trompé, qui reconnaît une « étape importante » dans la déclaration d’intention d’Emmanuel Macron.

3) Si, néanmoins, Emmanuel Macron obtenait, contre la reconnaissance d’un imaginaire État palestinien, la reconnaissance de l’État d’Israël par l’ensemble des acteurs de la région, alors, ce serait un coup de maître. Rappelons qu’aujourd’hui seuls l’Égypte, la Jordanie, la Mauritanie, les Émirats arabes unis, Bahreïn, le Soudan et le Maroc reconnaissent Israël. Si, pour ne citer qu’eux, l’on étendait une telle reconnaissance au Liban, à la Syrie, à l’Irak ou à la Turquie, si, au nom du principe de réciprocité, le président parvenait à troquer, contre la reconnaissance d’une chimère, l’acceptation d’Israël, l’abandon du syntagme « entité sioniste » et l’ouverture de relations diplomatiques avec l’État hébreu, Emmanuel Macron changerait littéralement la face du monde, et il faudrait lui reconnaître un génie stratégique à faire rougir ses détracteurs.