Pourquoi avoir accepté l’invitation du festival Feux Croisés ?

Je connais le cinéma Eckmühl à Penmarc’h. J’y suis déjà venu en tant que spectateur. Cette salle est extraordinaire. Les programmateurs vont projeter une sélection des films que j’ai réalisés. C’est vraiment leurs choix. Cela me touche beaucoup.

Parcourir les petites salles d’art et d’essai, c’est une façon de les soutenir ?

Oui, ce sont des héros du cinéma. Quand je sors un film, je passe entre deux et trois mois sur les routes. C’est important de partager avec les exploitants. À Penmarc’h, je viens en voisin puisque je vis, depuis maintenant cinq ans, près de Morlaix. Cette région est devenue ma maison.

À Penmarc’h, vous présentez votre dernier film, un documentaire en trois parties sur John Zorn, qui est-ce ?

C’est un musicien new-yorkais qui a commencé comme saxophoniste dans le jazz. Il a très vite aimé mélanger toutes les musiques. Il continue aujourd’hui, à 70 ans, son travail d’exploration. Je n’ai pas encore eu le temps d’écouter toutes ses productions. Il doit y avoir à peu près 1 000 disques qu’il a fabriqués ou produits. Il a travaillé avec des très grands comme Franck Zappa ou Lou Reed.

À la base, ces films ont été projetés exclusivement dans les concerts de John Zorn, c’est un pari de les offrir au grand public…

Oui, ils n’étaient pas du tout prévus pour le cinéma. Ce sont les distributeurs (Les Films de l’Atalante) qui sont tombés amoureux des films. Ce sont eux qui ont eu cette idée folle et ils ont eu raison. Aux projections, il y a bien sûr des connaisseurs, les « Zorniens » mais pas seulement. Ceux qui découvrent John Zorn ont l’impression qu’un monde nouveau s’ouvre à eux. C’est génial. Certains achètent même des billets pour assister à ses concerts. 

Ce ne sont pas des documentaires que l’on peut voir habituellement, il n’y a pas de voix off ou même d’intervenants. Pourquoi ?

Les films tentent de percer cette chose mystérieuse qu’est la musique. Chez John Zorn, il y a cet équilibre fascinant entre l’improvisation et la composition. Les trois films sont très différents. J’ai commencé à le filmer en 2010 jusqu’en 2022.

Quelle a été la réaction de John Zorn en visionnant ces films ?

C’est trop intime ce que vous me demandez. Ce sont les lettres les plus bouleversantes que je n’ai jamais reçues de ma vie. J’ai l’impression d’avoir été adopté, de faire partie de sa troupe. C’est très fort, ça m’a modifié.

Quel est votre rapport à la musique ? Avez-vous joué d’un instrument ?

J’ai fait du piano quand j’étais enfant. Mes parents étaient journalistes, on voyageait beaucoup. Ils étaient correspondants pour Le Monde. Je suis arrivé à Moscou à l’âge de 8 ans. Entre 8 et 12 ans, j’ai joué très sérieusement du piano. Puis, j’ai eu un accident au bras lorsque j’avais quinze ans. Et puis, le cinéma est arrivé.

Le public vous connaît plutôt en tant qu’acteur…

Oui, c’est vrai. Pourtant ma vie a commencé comme technicien derrière la caméra. J’ai débuté à l’âge de 17 ans. J’ai fait tous les métiers (NDLR : accessoiriste, cantinier ou régisseur). Je suis devenu comédien par accident, j’avais déjà 30 ans. C’est Arnaud Desplechin qui en a eu l’idée (NDLR : ils ont tourné sept films ensemble dont « Comment je me suis disputé… (ma vie sexuelle) » et « Rois et reine » pour lesquels Amalric a obtenu un César).

Pratique

Dix films seront projetés au cinéma Eckmühl à Penmarc’h du 15 au 17 décembre, en présence de Mathieu Amalric. Pas de réservation. Plus d’infos sur cinema-eckmuhl.fr